IDCP SAS relève le défi d’une incontestable rupture
PEDAGOGIE ACTIVE
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Jean-Claude Grünler
7 min
Pédagogie active
Le défi de la rupture
Mais alors que l’activité traditionnelle constitue la base du modèle économique de HCD Institute, l’émergence d’un nouveau concept baptisé Robot-Coach et RobotCoachPro, dont nul ne connaît le vrai potentiel économique, fait prendre un risque à l’entreprise. Tout au long du développement long et couteux de ce nouveau modèle, le calcul du risque financier s’avère crucial : mettre en danger l’activité historique, c’est être certain de perdre beaucoup à très court terme ! Alors qu’à contrario, miser sur la rupture c’est espérer diffuser largement cette méthode, dans longtemps mais… sans en être certain.
Du point de vue de HCD Institute, il s’agissait avant tout d’une réponse stratégique à un changement dans son environnement, jusqu’à récemment à peine perceptible, mais néanmoins inéluctable du point de vue des fondateurs de IDCP SAS. D’un autre côté, cette réponse est difficile à donner d’un point de vue rationnel car l’activité historique de la marque, tout en étant salutaire, encombre et freine le développement de la réponse au changement.
Aujourd’hui le marché de la « Formation Professionnelle Continue » est désormais régi par la nouvelle Loi « Avenir Professionnel » qui annonce un véritable changement dans cet environnement, autrement dit, une véritable rupture ressentie par l’ensemble des acteurs de ce marché. Il ne s’agit plus simplement de « former », encore faut-il provoquer un « changement ». Finalement, la probabilité d’une opportunité rationnelle qui permettrait d’espérer prendre une grande part de marché dans un avenir proche se fait jour.
Le concept de pédagogie active : la Pédagogie Active fait partie des méthodes qui relèvent de ce qu’on nomme « l’apprentissage expérientiel », autrement dit « apprendre en faisant ». Dorénavant, il s’agit d’impliquer l’apprenant dans des situations réelles pour qu’il puisse utiliser ses compétences et les faire évoluer au cours de la formation.
Depuis des décennies les spécialistes de la formation affirment qu’utiliser uniquement une pédagogie transmissive conventionnelle (exposé, conférence, formation ex-cathedra, etc.) trop orientée vers le savoir, conduit trop souvent à des situations d’échec. Il est donc préférable d’adopter des pédagogies plus orientées vers l’individu et qui tiennent compte de ses acquis et de ses expériences, le but étant d’aider l’apprenant à construire des compétences exploitables dans son environnement au travail.
Clayton Christensen, auteur à l’origine du concept de disruption (rupture), était un théoricien majeur du management, au même titre que des géants comme Peter Drucker ou Michael Porter, et ses travaux sont plus que jamais d’actualité à l’heure où les grandes entreprises continuent à trouver difficile de répondre aux multiples ruptures de leur environnement. Dans ce qui suit, je propose une synthèse de ses travaux pour montrer en quoi ils peuvent être très utiles.
La notion de rupture
Une rupture est un changement profond dans un environnement, qui redéfinit les règles du jeu. L’émergence du low-cost dans le transport aérien, celle du numérique dans la photo ou encore l’invention d’Internet, sont des exemples typiques de ruptures. Celles-ci ne sont toutefois pas que technologiques : l’augmentation du niveau général d’éducation est également une rupture, la baisse de la natalité ou les changements de mœurs (comme le mariage homosexuel) sont des exemples de ruptures non technologiques aux conséquences très importantes.
De façon importante, Christensen souligne qu’une rupture est un processus, pas un événement. Ainsi, le low-cost émerge à partir des années 1970 et il met environ 15 ans à avoir un réel impact sur les compagnies aériennes classiques. Cet impact persiste aujourd’hui. Ce très long délai entre le début d’une rupture et ses premiers impacts explique pourquoi elle est généralement sous-estimée par les acteurs en place.
Par ailleurs le propre d’une rupture est de souvent puiser ses premiers clients dans ce qu’on appelle les non-consommateurs : les premiers clients du low-cost étaient ainsi, non pas les clients existants des compagnies aériennes, mais les utilisateurs de bus. Pendant presque 15 ans, le low-cost ne prend donc aucun client aux compagnies, qui dès lors ne le perçoivent pas comme une menace.
Mais peu à peu, le low-cost se généralise, des générations d’étudiants sont devenus adultes et continuent de l’utiliser : il empiète désormais sur les segments classiques mais il est bien tard pour les acteurs en place pour réagir. Un autre aspect important est la notion relative d’une rupture : ce qui est une rupture pour un acteur n’en est pas forcément une pour un autre. Le numérique est une rupture pour Kodak, car il rend ses pellicules inutiles, mais pas pour Nikon qui continuera à vendre des appareils, qu’ils soient mécaniques ou numériques.
Modèle mental
Une rupture est aussi un défi pour les acteurs en place parce qu’elle représente un modèle mental tout à fait nouveau et en contradiction avec leur propre modèle. Un modèle mental est une façon de voir le monde. Lorsqu’Apple lance son iPhone en 2007, celui-ci est techniquement inférieur aux téléphones de Nokia (il n’est même pas compatible 3G) et la facilité d’utilisation n’est pas à l’époque considérée comme importante. C’est finalement le modèle d’Apple qui gagne.
Le propre des innovateurs de rupture est donc d’inventer de nouveaux modèles mentaux et de réussir à les imposer, comme Henry Ford qui réussit à faire passer l’idée que chaque Américain devrait avoir la possibilité d’acheter une voiture, une idée qui était pourtant considérée comme tout à fait ridicule à l’époque. Cinq ans après la Ford T, cette idée était évidente pour tout le monde.
Le dilemme de l’innovateur
Plus fondamentalement, Christensen explique pourquoi il est difficile à un acteur en place de répondre à une rupture en illustrant ce qu’il appelle le dilemme de l’innovateur. Par définition, celle-ci correspond à un modèle d’affaire différent. Le propre de la rupture c’est donc qu’elle n’est pas la continuité de l’activité existante, mais une activité différente. Un acteur en place a réussi en mettant en œuvre un modèle d’affaire correspondant à son activité historique. Ses ressources, ses processus et ses valeurs (priorités) sont définis et optimisés pour servir ce modèle. Comme on ne peut pas être optimisé pour servir deux modèles différents, cette optimisation, qui sert l’acteur en place dans son marché historique, le dessert dans le nouveau marché correspondant à la rupture.
Ainsi, Accor-Hôtels est optimisé pour fournir une prestation similaire dans tous ses hôtels ; le critère clé de performance choisi est celui de l’homogénéité de service : lorsque je vais dans un hôtel Ibis, je sais exactement à quoi m’attendre, j’achète l’absence de surprise. Avec Air-bnb, c’est l’opposé : j’achète un élément de surprise et le fait que deux propriétés ne seront jamais les mêmes ; le critère de performance choisi par Air-bnb n’est pas le même. Cela explique pourquoi souvent, pour un acteur en place, cela n’a aucun sens de s’intéresser à une rupture car il la jugera à l’aune de son modèle actuel. Le disrupteur peut jouer sur ce désintérêt rationnel pour prendre une place qui n’est même pas défendue.
L’expression dilemme de l’innovateur vient du fait que l’acteur en place est partagé entre deux choix également perdants : défendre son activité historique, au risque de compromettre son avenir s’il ignore le potentiel de la rupture, ou parier sur celle-ci au risque de compromettre son activité historique, sans être par ailleurs certain que la rupture donnera lieu à un marché. D’ailleurs, la défense de l’activité historique sera toujours le choix par défaut : on préfère rationnellement protéger celle-ci car elle correspond à quelque chose de certain, alors que la rupture n’est qu’un potentiel lointain.
Autrement dit, mettre en danger l’activité historique c’est être certain de perdre beaucoup et à très court terme, tandis que miser sur la rupture c’est espérer gagner beaucoup dans très longtemps mais sans en être certain.
La théorie de la rupture de Christensen est donc avant tout une théorie de la réponse stratégique d’un acteur à un changement de son environnement. Elle explique pourquoi cette réponse est rationnellement difficile : ce n’est pas par manque d’information, ce n’est pas par manque de volonté, ce n’est pas par manque de temps ; c’est parce que l’acteur en place est encombré par son activité historique qu’il se doit de protéger, que sa réponse est freinée.
Contrairement à ce qui a pu être écrit par certains critiques, la théorie de Christensen ne propose pas du tout une méthode d’innovation à coup sûr, et encore moins que l’innovation de rupture est un Graal toujours souhaitable. Elle permet seulement, mais c’est déjà beaucoup, de prévoir comment l’acteur en place réagira, toute chose étant égale par ailleurs, s’il n’a pas conscience des mécanismes liés à la rupture. Intel, qui s’est inspirée des travaux de Christensen, a ainsi réussi à éviter de laisser tout l’entrée de gamme à ses concurrents lorsqu’elle s’est aperçue qu’elle était victime du dilemme.
Source :
The Conversation France Ed. 02.02.2020
Cette contribution est une republication partielle du billet mis en ligne le 27 janvier dernier sur le blog de Philippe Silberzahn, auteur de « Relevez le défi de l’innovation de rupture », paru aux Éditions Pearson en 2015.
Jean-Claude E. Grünler est co-fondateur de HCD Institute, créé au début de l’année 2011. Il intervient dans les entreprises et organisations en tant que Coach et formateur en Développement des Compétences Comportementales. Son approche de la formation découle de sa posture de coach qui place l’apprenant au cœur même de sa démarche. Particulièrement impliqué dans les thématiques de Management et Leadership, de l’inclusion, de la performance en équipe et de l’accompagnement des changements organisationnels et culturels, il intervient dans de nombreux secteurs d’activités, en France et à l’étranger.